Dans les pas des māoris, premiers colons de Nouvelle-Zélande
Au cœur des terres néo-zélandaises, là où les premiers maoris s’installèrent, un petit être niche dans l’obscurité. Une larve bioluminescente, glowworm en anglais, ou encore Arachnocampa luminosa pour les intimes, patiente en attendant sa proie. Celles-ci, principalement des insectes volants de la famille des diptères, sont attirées par la lumière qu’elles génèrent, et sont prises au piège sur le mucus collant de leurs fils.
Cette espèce, endémique de Nouvelle-Zélande et d’Australie, est devenue une attraction touristique, et on comprend pourquoi ! Ma famille m’a offert pour Noël une visite de la plus belle grotte du pays, Spellbound Glowworm cave. Après avoir bivouaqué au bord d’un joli étang et profité d’un magnifique coucher de soleil, un maori nous fait visiter ce lieu déjà connu de ses ancêtres. Il nous guide le long d’un petit torrent, et alors que nous nous enfonçons de plus en plus loin dans la grotte, nous découvrons un rafting amarré au bord de l’eau. Nous embarquons, et une fois à bord, notre guide nous demande d’éteindre nos lampes frontales. C’est alors que la magie opère.
Dans le noir complet, nos tympans vibrent seulement au bruit des rapides que nous entendons mais que l’on ne voit pas, et qui se rapprochent… très vite ! Mais nous ne sommes pas inquiets, car nos pensées sont tournées vers les étoiles ! Au-dessus de nous, en effet, le ciel brille de mille feux ! Le plafond resplendit de milliers d’étoiles bleutées, magnifiques ! Notre guide nous propose d’applaudir très fort, et les vibrations de l’air augmentent l’intensité de la lumière générée par les centaines de vers luisants.
La tête dans les nuages
Après cette sortie et la visite d’une seconde belle grotte taillée par la pluie dans ces roches calcaires, nous reprenons la route au milieu de ce gruyère géant ! Plus de 400 grottes existent ça et là, et pour éviter que l’érosion n’augmente la taille des gouffres, ou que les bêtes ne tombent dedans, les paysans ont planté des arbres et mis des barrières tout autour.
Après 3h de route, nous voilà dans la ville côtière de New Plymouth, qui s’étend au pied du superbe volcan Taranaki.
Nous faisons dans un premier temps une escale en bord de mer pour patienter. En effet, les nuages s’accumulent autour de la montagne, qui n’ose pas se dévoiler ! Elle est pourtant reconnaissable de loin, ce cône parfait, sosie du Mt Fuji au Japon. Comme pour rendre hommage à sa forme sans pareille, les néo-zélandais ont créé le parc national Egmont tout autour, lui aussi parfaitement circulaire ! C’est bien visible sur Google Maps, et même depuis les airs 🗻
Montagne sacrée
On peut lire sur sa page Wikipedia :
« Selon une légende māori, le dieu Te Maunga o Taranaki vivait autrefois dans le centre de l’île du Nord avec les autres dieux Tongariro, Ruapehu et Ngauruhoe qui étaient tous amoureux de la déesse Pihanga. Taranaki décida alors de faire des avances à Pihanga ce qui mécontenta Tongariro qui laissa exploser sa colère, secouant les fondations de la Terre et obscurcissant le ciel. Une fois calmé, Tongariro était devenu plus petit mais s’était rapproché de Pihanga.
Dépité et en pleurs, Taranaki décida de quitter la région : il traversa la rivière Whanganui, se dirigea vers le nord après avoir rejoint l’océan et s’endormit. À son réveil, le mont Pouakai était né et l’avait emprisonné à son emplacement actuel. D’autres légendes māori racontent que Taranaki rencontrera un jour Pihanga et qu’il est par conséquent imprudent de vivre entre les deux montagnes. Les Māori racontent aussi que lorsque le mont Taranaki est recouvert de brume et de pluie, c’est Taranaki qui pleure d’avoir perdu Pihanga.«
Les gouttes de pluie et le brouillard menacent, mais nous sommes désormais au cœur du parc. Alors on enfile les chaussures de marche, et d’un pas rapide, on découvre la jungle humide du volcan.
La forêt, mystique, semble effectivement habitée par les esprits. Les arbres sont couverts de mousse, et les gouttelettes de pluie qui roulent hors des feuilles murmurent une musique à nos oreilles. Les petits courts d’eau que l’on enjambe en sautant, les plus grosses rivières que l’on traverse sur de jolis ponts en bois, l’océan qui se dévoile lorsque la brume s’efface, tout ici tourne autour de l’eau. Nous passons la nuit sur ce parking maintenu par le « Departement of Conservation » (DOC). Dans le calme de la nuit, je sors faire quelques photos de la montagne, qui brille comme un diamant taillé, sous l’éclat de la lune.
Tongariro Alpine Crossing
Deux jours plus tard, c’est le fameux Tongariro, celui de la légende mentionnée plus haut, qui nous attend. Il s’agit d’un volcan conique lui aussi, situé au cœur d’une chaîne de montagne aux conditions météo indomptables, qui changent radicalement toutes les heures, et à cause desquelles nous avions fait ce parcours en escargot. En effet, nous devions faire la traversée (Tongariro Alpine Crossing) la semaine dernière – mais les températures polaires (-20°C) et la neige nous avaient fait temporiser. Alors cette fois-ci c’est un peu mieux (-10°C annoncés), mais encore une très faible visibilité, et surtout déconseillé par le site du DOC. On se renseigne du mieux que l’on peut, on croise les données de plusieurs sites, on prend le pouls sur les forums Facebook, et on décide de se lancer malgré tout.
Tôt le matin, nous croisons plusieurs personnes qui ont tenté l’aventure également, ça nous rassure ! Le début est superbe, dans une lande rase, qui rappelle les steppes des volcans équatoriens. Puis très vite on rentre dans la brume, et le vent se lève. Il se met à neigotter, mais avec les rafales cinglantes, les flocons se transforment en grêle. Nous sommes emmitouflés, j’ai le bout des moustaches et les pieds gelés, mais on avance ! Des groupes entiers avec guides sont également là, mais avancent trop lentement, alors on double.
En terre inconnue
Et enfin, après un col impressionnant où le vent a sculpté des lamelles de glace autour d’une table d’orientation inutile aujourd’hui, nous passons de l’autre côté de la crête. Les rafales diminuent, et soudain les nuages s’ouvrent – des lacs turquoises, cyans, jaunes et oranges se dévoilent à nos yeux. Nous sommes bel et bien au Tongariro, terre de volcans, et lieu de tournage du Mordor. La demeure de Sauron est proche, et nous avons senti son souffle (bon ok il était glacial cette fois !) dans notre cou 🌋
La descente est beaucoup plus tranquille, le chemin serpente entre les hautes herbes, le ciel s’est dégagé et nous pouvons admirer la belle vue sur la plaine de Taupo. Revenu à la voiture grâce à deux français qui nous ramènent à notre point de départ en voiture (nous évitant ainsi de faire du stop ou de payer une navette à 50$/pers), nous profitons d’un beau coucher de soleil. A quelques centaines de mètres, Peter Jackson filma la scène où Gollum viola la mare sacrée (Gollum’s pool) en mangeant sauvagement une truite. Manon a failli être sélectionnée au casting…
La Terre se réveille….
Après une nuit glaciale sur le parking du parc national, nous repartons vers Taupo. Il faut que l’on fasse une lessive dans une laverie automatique, un lieu où nous avons toujours pu sympathiser avec les locaux, très sympa, ravis de voir des touristes explorer leur pays ! Certes ce n’est pas arrivé si souvent au vu du prix des machines… on préfère laver à la main !
Nous avons appris au musée de Wellington que le lac Taupo est né à la suite de l’éruption d’un supervolcan, il y a seulement 26,500 ans. Cette explosion modifia intégralement le paysage local, et lorsque tout se fut calmé, l’eau se mit à couler pour former le plus grand lac du pays, et les forêts alentour repoussèrent. Aujourd’hui, bien que le volcan soit éteint, l’ensemble de la région reste actif. On peut apercevoir des fumerolles partout, tout comme les centrales géothermiques qui produisent environ 20% de l’électricité du pays. Avec l’hydroélectrique dans l’île du Sud, un peu d’éolien et de biomasse, le pays peut se vanter de produire 85% de son électricité à partir d’énergies renouvelables.
… pour le plus grand plaisir de certain.es !
On en profite pour faire un plouf dans une belle piscine aménagée, en extérieur, avant de filer vers Rotorua, plus au Nord. Cette grande ville contient également une grande infrastructure de balnéothérapie, de spas et de bains thermaux, car son activité géothermique est également très importante. Les premiers colons maoris s’installèrent également dans cette région, au climat clément, et dont l’activité volcanique assurait une source d’énergie pérenne.
Le soir, on déambule dans un marché de nuit avec beaucoup de spécialités locales, asiatiques et occidentales au menu, c’est sympa ! Mais ce qui est étonnant, c’est l’absence d’alcool. Il y a en effet une grande zone « alcohol free » dans le centre. C’est d’ailleurs en plein cœur de la ville, que nous posons le van pour la nuit. C’est la localisation parfaite, mais attention aux odeurs de soufre ! Des parfums nauséabonds emplissent l’air, et ce n’est qu’avec les portes fermées que nous pouvons respirer. Et impossible de s’habituer à l’odeur d’œuf pourri… Effectivement, la ville regorge de sources thermales, de bains de boue aux températures variant de 20 à 120°C, et il y en a plusieurs à côté du parking…
Nature géométrique, perspectives verte et bleue
On visite la ville, avec son architecture coloniale, ses sources naturelles et ses nombreux centres de spas et de cures thermales. Plus loin, on entre dans la forêt de séquoias géants de Whakarewarewa qui borde la ville. Magnifiques, ils ont été plantés au début du siècle dernier par les britanniques, dans le cadre d’un programme visant à évaluer la compatibilité de certaines espèces au climat néo-zélandais. C’est aujourd’hui un superbe terrain de jeu pour touristes et photographes, vététistes, randonneurs et joggeurs.
On repart ensuite en direction des lacs Blue et Green, puis du très grand lac Tarawera. La route est très belle, alors on s’arrête beaucoup pour prendre des photos, faire voler le drone, peindre et pique-niquer face à ces superbes paysages. Le soir, on trouve un joli camping du DOC (payant celui-là, 20$/2 personnes), désert, et au bord d’un autre lac.
On termine notre série « For all mankind« , que l’on recommande 🙂 , et on commence « Apache« , une série argentine sur un joueur de foot de Buenos Aires. De quoi rappeler quelques souvenirs ! Le lendemain, je me lève aux aurores. A 5h du matin, le ciel est irisé, teinté de rose, de rouge et d’orange. J’immortalise le lever de soleil, et je profite de l’instant où je suis seul avec les oiseaux, les maîtres des lieux.
Nous passons quelques heures à regarder le vent soulever les vagues du lac, à bouquiner dans le van, avant de reprendre la route vers un autre lieu emblématique de la Nouvelle-Zélande… Suite au prochain épisode 😘
Théo