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Volontariat au cœur de la « vallée enchantée » en Patagonie argentine

Nous sommes en novembre 2022, déjà deux mois depuis notre volontariat à la Cruz Verde, dans l’Amazonie bolivienne… Il est temps de remettre un peu la main à la pâte, et de continuer sur notre lancée d’un volontariat par pays (ou presque!).

Je me souviens avoir décrit celui-ci à mes parents au téléphone quelques semaines avant notre arrivée : « Le gars s’appelle Hernan, c’est sur un terrain familial, dans un coin paumé magnifique, on sait pas trop ce qu’on va faire, mais ça a l’air super. Il y a pleins de chiens, un jardin et un grand terrain, pas d’électricité, pas de réseau, et une superbe rivière pour se baigner et pêcher. »

C’était un peu flou, et ça l’est resté jusqu’à notre arrivée sur le lieu. Avant de partir, nous avons fait des courses au supermarché, rempli les sacs de rando, et retrouvé Naty, la compagne d’Hernan, notre hôte. Elle nous emmène dans sa petite voiture, jusque dans la vallée enchantée (« el valle encantado« ), à 45 min de route de Bariloche.

Également nommé Confluencia en l’honneur des deux fleuves qui se rejoignent à cet endroit précis, il s’agit d’un paysage magnifique, à couper le souffle. Du bleu, du vert, du jaune, et toutes leurs déclinaisons infinies. Des cheminées de fées formées par l’érosion passée pointent leurs têtes sur les crêtes voisines. Une, plus grande, plus droite et pile dans l’axe de la route se dénomme « el dedo de dios », rien que ça !

Les lieux du volontariat 

Hernan, le proprio

Le grand-père d’Hernan a acheté le terrain au milieu du 20e siècle, mais ne l’a jamais exploité et n’a jamais rien fait construire dessus. Ils venaient parfois en famille pour pêcher, se promener et se baigner. La parcelle fut transmise à son père qui l’a ensuite léguée à son fils. Il est composé de plusieurs dizaines d’hectares – 55 au total, me semble-t-il. Environ 5 du côté de la rivière, et 50 côté montagne – avec une route non goudronnée au milieu. Au bord de la rivière, Hernan a travaillé d’arrache-pied pendant des années pour défricher des zones entières d’épineux, garder une belle forêt de pins et planter d’autres arbres au nord du terrain pour le protéger du vent, quasi permanent en Patagonie…

Années après années, la propriété a évoluée. Il a d’abord fait livrer un container de fret (dit « el container », original !) aménagé en studio pour y vivre au début, puis fait construire une première et enfin une seconde maison (Casa Verde et Casa Negra). Sur un petit lopin de terre derrière la Casa Verde, il a commencé un potager avec l’aide de volontaires – 6 buttes ont été creusées à même le sol, grillagées de l’extérieur pour le protéger des nombreux lapins qui pullulent. 

El container
La Casa Verde

Le travail avec Hernan la première semaine

Hernan et Naty doivent rentrer à Buenos Aires dans 7 jours, et ils prévoient de nous laisser la maison. Alors pour ne pas perdre de temps, Hernan nous fait faire un rapide tour du propriétaire et on se met au travail. 5h par jour théoriquement contre le logement et la nourriture, mais il y a tant à faire avant qu’ils partent qu’on dépassent rapidement notre quota d’heures.

La visite du terrain avec Hernan

Les premiers jours, on s’occupe de ramasser les aiguilles de pins qui jonchent le sol. On ramène des troncs coupés pour marquer les limites d’un chemin entre les deux maisons, que l’on dégage de toutes les pommes de pin. En milieu de semaine, on se met au potager. 2 buttes sont déjà pleines de fraisiers, et il en reste 3 qui n’ont pas été désherbées depuis l’année précédente… alors on s’y attele, 2 jours à genoux dans la terre, à enlever les bottes d’herbes et de trèfles bien enracinées. On commence des semis de toutes sortes – fleurs, légumes, aromates.

En fin de semaine, son électricien avec qui il a installé des énormes panneaux solaires dans un coin du terrain, revient pour installer le cabinet électronique : batterie, onduleur, ECU… Et nous assistons en direct à la mise en route du système ! Une grande première pour Hernan et Naty, qui depuis plus de 10 ans, fonctionnent avec un groupe électrogène pour recharger les lampes et se connecter à internet ! Une grosse révolution pour eux 😉

Les semis qui prennent l’air

Et qu’est-ce que vous mangez là-bas ?

Le midi on mange tous ensemble, en cuisinant à tour de rôle. Grosses salades composées, soupe à l’argentine (eau bouillante dans lequel on fait cuire tous les légumes, avec du poulet en gros morceaux). Ça manque un peu de saveur au début, mais on finira par l’apprécier et parfois dans les hostels on en cuisinera – avec quelques épices en plus et les légumes revenus dans l’huile d’olive d’abord 🙈

En fin de journée, on partage un maté tous ensemble au bord de la rivière. Moment convivial typique de l’Argentine, Naty est la responsable – elle verse l’eau dans le maté, qu’elle nous distribue à tour de rôle. 

Puis on lance le feu dans le fogón (« le foyer»). Il s’agit du centre névralgique de la maison, une gigantesque fosse creusée dans le sol, avec des gradins pour s’asseoir. La première semaine, on mange avec eux du vacillo, du cuadril, ou du bife de chorizo. Des coupes de viande un peu différentes de chez nous, mais excellentes ! Je cuisine un poulet basquaise un soir, ça semble plaire à tout le monde 😉 Ils sont loinnnn d’être végétarien, ou même flexitarien…

Nos chiens préférés 

Chacay (la maman), Blanquita, Negrita, Nena et Mona (les 4 filles). Toutes typées border-collie. Voilà pour la petite famille bien excitée qui nous saute dessus tous les matins ! A 8 mois déjà, les 4 ont beaucoup d’énergie et commencent tout juste à bien écouter – à nous de donner les ordres en espagnol : « veni”, “sentate”, “vamos”, “espera”, “a fuera!”, “no, eso no”. Elles sont adorables, et chacune a son propre caractère. 

Chacay
Negrita
Blanquita
Mona

Blanquita est la chef, elle soumet les 3 autres mais se soumet elle-même à sa mère. Elle obéit bien, mange comme 4 et est la plus fayote aussi ! Nena est un peu absente, elle est discrète et timide. Mona (notre petite préférée) est la rêveuse du groupe, toujours un peu dans la lune, à bondir comme une biche entre les touffes d’herbe pour tenter de débusquer les lapins. C’est elle qui a le poil le plus long, et qui ramène en permanence des fleurs ou des shurikens (c’est nous qui avons inventé ça, vous trouverez rien sur Google ^^) accrochés à sa fourrure. La petite dernière, Negrita, est la plus fofolle, joueuse, mais aussi stressée, et peureuse. Elle s’écrase devant ses 3 sœurs, et c’est parfois une galère pour la nourrir tellement elle mange lentement !

La mamita

La maman, Chacay, était pleine lorsqu’on nous sommes arrivés. Une grosse saucisse sur patte, les mamelles pleines à craquer. Adorable, câline mais avec son caractère surtout vis-à-vis de ses filles ! Une semaine après notre arrivée, elle a disparu toute une journée et toute une nuit.. On savait qu’elle était partie mettre bas, et Naty a finit par trouver sa cachette – sous le container, entre les poutres moisies et les clous rouillés.

Ainsi, pendant 2 jours on lui apporte de la nourriture – elle a le droit à un peu de viande et de la graisse, de la polenta, des croquettes, un peu de lait et beaucoup d’eau !

Les nouveaux-nés sont un peu cachés au début, on distingue vaguement du noir et du blanc, sans savoir combien il y en a ni la couleur de leurs robes. Les 4 grandes n’ont pas le droit de s’approcher, leur mère leur grogne dessus. Finalement, la veille de leur départ, Naty et Hernan ramènent les 8 petits chiots (cachorros en espagnol) à la Casa Verde pendant que nous distrayons Chacay avec de petits morceaux de viande 😅

On installe les bébés dans une des chambres de la casa verde et Chacay aura le droit à un petit traitement de faveur en dormant à l’intérieur, avec ses petits. Quant à nous, nous dormons dans la casa negra, nous avons donc un peu de tranquillité !

Volontariat en autonomie en Argentine ?

Après 7 jours avec Hernan et Naty à découvrir le lieu, les animaux, et tout ce qu’on doit faire, ils retournent à Buenos Aires et nous laissent la maison ! On a suffisamment de nourriture pour tenir un moment, mais sans frigo il va falloir être vigilant quand même…

Je les emmène à l’aéroport avec le pickup d’Hernan, passe un barrage de police au retour (typique de l’Argentine), et Manon passe une première soirée seule avec les 8 chiots et les 5 chiennes, à s’occuper de leurs bouffe et de notre repas ! Plutôt intense 😅

La semaine passe à une allure folle… On se lève vers 7h30, et après un bon petit-déjeuner, on se met au boulot. La tâche principale de la semaine : finir d’enterrer le câble électrique qui relie le cabinet électrique des panneaux solaires aux différentes maisons. En tout, sur 3 semaines, on enterra presque 200m de câble ! Et avant de recouvrir de terre, on va chercher des brouettes entières de galets de la rivière pour les poser sur le fil – cela évitera des coups de pelles de futurs volontaires qui pourraient sectionner le câble !

D’autres tâches nous occupent bien. On replante nos semis en pleine terre en couvrant la nuit d’une petite serre de plastique, car il fait encore frais. On paille d’aiguilles de pins les buttes acides (pour les fraisiers, céleri, poireaux) et de feuilles de peupliers (on fait avec ce qu’on a… pas de paille par ici !) pour les autres buttes. Manon construit aussi un escalier dans une butte de terre, je construis un compost avec des bouts de planches inutilisées, et je vire le mastic moisi du plan de travail de la casa negra avant de le remplacer par du neuf et de vernir la planche. 

Le système d’irrigation du terrain

L’arrosage du terrain est également une tâche importante. En effet, Hernan tire son eau d’un ruisseau en haut du terrain. L’eau dégringole la colline dans un tube de 10/15cm de diamètre, et la pression qu’elle a une fois en bas est impressionnante. Si on coupe la sortie, l’eau s’accumule de plus en plus haut et la pression peut faire éclater les différentes vannes ou T. Alors pour éviter ça, on laisse en permanence de l’eau sortir, ce qui permet de maintenir le terrain un peu humide et de diminuer la poussière permanente.

Il y a une seule entrée d’eau pour des dizaines de sorties possibles, dont beaucoup d’arroseurs automatique disséminés un peu partout ! Ainsi, tous les matins on les déplace de quelques mètres pour arroser le plus de surface possible. Un arroseur se dit « regador » en espagnol, donc on dit qu’on va faire « la balade des regadores », et les chiens le savent : c’est généralement leur moment de défoulage 😁

Pour l’anniversaire de Manon, on s’offre un peu de repos après 10 jours de travail non-stop. Petit dej copieux avec salade de fruit, après-midi au bord de l’eau, et un bon repas asado, frites de patate douce, et accompagné de bon vin argentin ! 😉

Le mâle qui rôde

Quelle surprise un jour, et pas la plus drôle, lorsqu’on trouve le chien (mâle) de l’auberge d’à-côté en train de s’accoupler avec Nena, qui n’est autre que… sa fille ! Et en plus il est resté coincé et n’arrivait pas à sortir ! La galère…

Pendant 3 jours on a dû le chasser avec grands cris et gestes, dès qu’on l’apercevait sur la propriété. Un jour, à 5h du matin, j’entends les chiennes qui aboient sans s’arrêter. Je me lève, pas réveillé, ramasse un bâton et le surprend en train de rôder devant l’autre maison, là où dorment les chiennes. La course-poursuite à 5h du mat’ à la frontale au milieu des épineux, pas très habillé, ça reste un sacré souvenir 😅

L’arrivée de Dapnhé et Alex

Tous les jours ou presque, Hernan nous demande des nouvelles. Alors on se rend au « container », on se branche sur la wifi et on lui envoie quelques photos et messages vocaux (en Amérique latine tout le monde s’envoie des vocaux sur WhatsApp !). Il nous apprend que 2 français vont nous rejoindre quelques jours plus tard. On fait un petit Skype avec eux, ça match bien et 3 jours plus tard, voilà Daphné et Alex qui débarquent dans notre petit paradis ! On est un peu deg au début car on avait notre petite routine et on était bien « chez nous »… 

Mais après 10 jours de vie tous les 4, on ne voulait plus les quitter ! Ils sont devenus de très bons copains, et on les reverra quelques mois plus tard au sud de l’Argentine. Car on en a vécu des bons moments…

Des bons et des … moins bons moments

Les apéros du soir, le café du matin devant la vue incroyable, les attentes devant les gamelles des chiennes pour vérifier que Blanquita n’aille pas dévorer les croquettes de Negrita, les moments « pêche » avec Alex qui ne donneront RIEN (du tout!), nos soirées films / séries et observation des étoiles, les plongeons dans l’eau glaciale du rio, la préparation des pains / pizzas et toute la bonne bouffe, nos moments post-repas de midi avec les chiots que l’on sort dans l’herbe et qu’on observe, fascinés…

Dans les choses qui ne nous manqueront pas… le fameux Chacacay ! 💩 Tous les matins ou presque, on a eu le droit à un beau caca de Chacay, sur le sol de la casa verde. Elle dormait à l’intérieur puisqu’on y avait installé tous ses chiots, elle ne pouvait donc pas sortir, et la nuit était trop longue pour elle ! Heureusement que nous étions 4, on alternait avec Daphné et Alex. Un matin ils se levaient une demi-heure avant nous pour s’occuper de Chacay et du petit dej, et le lendemain c’était nous avec Manon.

Ravitaillement 

On part une journée en ville à Bariloche, en stop ! Daphné et Alex gardent la maison, et on prend la route tôt le matin. On achète un peu de viande, quelques légumes qui nous manquent et on refait le stock de bières et de vin ! Très important 😇

On en profite aussi pour voir un match dans un bar, car ça y est la coupe du monde a commencé, et ici personne ne parle de boycott… Les argentins vendraient leurs mères (pardon maman) pour voir tous les matchs ou pour que l’Argentine gagne ! 

On se fait plaisir !

Nos derniers moments

Le moment du départ approche, et c’est dur ! On part un après-midi faire un tour avec Manon et les chiens, en direction du fond de vallée de l’autre côté de la route. Mais il n’y a pas de chemin, alors on s’enfonce dans le sable, qui s’infiltre partout ! Il y a aussi une épaisseur impressionnante de cendres, de presque 15 cm, qui proviennent d’après Hernan de l’éruption d’un volcan chilien il y a une dizaine d’année… C’est très beau, les 4 fofolles nous suivent et nous écoutent bien, et on a enfin une vue d’ensemble sur la vallée enchantée où nous sommes depuis presque 1 mois !

Après une dernière soirée tous ensemble où l’on profite du fogón pour faire un dernier asado, et cuire notre dernier pain, on dit au revoir à nos amis, et on fait le tour de toute la famille de canidés 😉

Les larmes aux yeux, on s’en va de ce lieu merveilleux, où l’on s’est coupé du monde, où l’on a appris sur la culture argentine avec Hernan avant de vivre la vraie vida Patagonica !

Théo

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