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Ascension du Huayna Potosi, mon premier 6000 !

3 jours et 2 nuits

Infos pratiques

  • Agence : Eloy – Guia de alta montaña
  • Prix (août 2022) : 1200 bolivianos (173€)
  • Guide perso pour l’ascension finale mais mélangé à un groupe pour les 2 premiers jours
  • Matos loué : duvet -10°C
  • Matos prêté par le guide : piolet, baudrier, doudoune (non utilisée), pantalon pour la neige, bottes, crampons, gants
  • J1 : Départ de La Paz, arrivée sur le site. Déjeuner, puis entrainement matériel alpi sur glacier. Possibilité de zapper le J1 si on se sent en confiance pour l’altitude et qu’on maitrise le matos d’alpi
  • J2 : Matinée balade autour du refuge à 4700m. Déjeuner, puis montée au refuge à 5200m.
  • J3 : Lever entre 00h et 2h, ascension du Huayna Potosi. Descente, et retour à La Paz vers 15h.

Après ma première nuit seul depuis bientôt 1 an, je m’habille et boucle mon sac, déjà longuement préparé la veille. Manon est partie hier pour le trek d’El Chorro, qu’elle va faire en 3 jours et qu’elle raconte ici ! Je sors dans la rue, et c’est le brouhaha habituel de la capitale bolivienne qui m’accueille. La Paz, quel drôle de nom quand même… Je ne pense pas qu’on puisse y trouver une « paix intérieure » ici, pas dehors dans la rue en tout cas ! ^^

La Paz, quartier historique

Mais pas le temps de philosopher, je rejoins quelques rues plus haut un minivan qui doit m’emmener à 1h30 de route d’ici, au pied du Huayna Potosi ! 🏔️

Un nom quechua qui fait déjà voyager… Cette montagne exceptionnelle, était le dieu de la grêle pour les Incas, qui la vénérait profondément. L’ascension du sommet, à 6088m d’altitude, est un challenge qui se relève difficilement, mais pas besoin d’être alpiniste chevronné pour autant. Novice en la matière, je suis donc passé par l’agence d’un guide de haute montagne, Eloy, recommandé par plusieurs voyageurs rencontrés sur la route. Les cordées sont habituellement de 3 : deux clients plus le guide, mais on peut également prendre un guide perso. Car si l’un des deux clients ne se sent finalement pas bien et ne peut pas terminer la montée, c’est toute la cordée qui redescend… J’ai donc opté pour cette solution-là. Malgré tout, je suis mêlé à un groupe de 7 français.es et espagnoles, avec qui je passerai les 3 prochains jours !

L’altiplano, et le Huayna Potosi qui domine le plateau

La Montagne Solitaire

Notre véhicule sort de la ville et rentre sur l’altiplano. Les maisons s’estompent et les troupeaux d’alpagas (mais aussi des décharges à ciel ouvert) font leurs apparitions. Une première photo de groupe, j’essaye de retenir les noms de toutes ces nouvelles têtes et des guides qui nous accompagnent ! La route continue, on passe devant un cimetière où sont enterrés les habitants des communautés alentours et les alpinistes décédés en montagne. Ça met dans l’ambiance…

Le cimetière, en arrivant au pied de la montagne

On mange tous ensemble le midi, ambiance sympa ! Je découvre par hasard qu’un des français qui fait l’ascension avec le groupe connaît bien ma région d’origine, et en creusant un peu, qu’il connaît mon village, et même la maison de mes parents puisqu’il y est venu pour une fête il y a plus de 12 ans ! Le monde est petit 😄

J1 – Formation alpi

L’après-midi est consacrée à l’apprentissage de l’équipement et à une première pratique sur le terrain. On s’équipe, bottes, gants, baudrier, casque, et on part pour un glacier à proximité du premier refuge qui se situe à 4700m. J’apprends les premiers gestes – comment marcher sur la glace avec des crampons, selon le degré de pente. Puis vient le maniement du piolet, d’abord sur un simple plan incliné, puis sur un mur de glace vertical. Pas facile ! Mon piolet reste enfoncé dans la glace et j’ai du mal à le sortir. Mes gants en alpaga (de mauvaises qualités) se défont en se prenant dans la glace et mes genoux s’abîment contre ce mur aux aspérités tranchantes. Nous redescendons en rappel, les uns après les autres.

Escalade de glace
Le glacier où nous nous entrainons, à 4900m

Chalet & nuit glaciale

Le soir, ambiance chalet de haute montagne, plutôt rustique. On dîne tous ensemble, un classique bolivien : une soupe de quinoa avec un bouillon, puis du riz avec du poulet et des légumes. C’est excellent, l’effort de l’après-midi nous a creusé alors on dévore ! Puis je joue aux cartes avec Guillaume, contre deux espagnoles, Marina et Lara. A cette altitude, le froid tombe très vite, donc je m’équipe avant de sortir me brosser les dents : combo bonnet – écharpe, et plusieurs couches empilées afin de stopper le vent qui souffle fort !

Les toilettes sont rustiques, il n’y a pas de chasse d’eau. On prend un seau, que l’on remplit à une fontaine à l’extérieur. On le verse ensuite directement dans les toilettes, et le tour est joué ^^  Je jette un dernier regard aux étoiles avant de rentrer me coucher, dans un sac de couchage -10 degrés loué à mon guide, extrêmement chaud ! Déjà quelques membres du groupe ont sombré dans le sommeil, d’autres écoutent de la musique ou regardent un film sur leur téléphone. Nous sommes tous allongés les uns à côté des autres dans une pièce immense où sont alignés des matelas vieux comme le monde.

J2 – de 4700m à 5200m

Le lendemain matin, après un petit déjeuner copieux composé de céréales, fruits et pancakes, tout le groupe part avec quelques guides, rejoindre un point de vue sur les alentours. Les discussions vont bons trains, quelques fanatiques des selfies s’arrêtent toutes les 10s pour prendre une photo, mais mis à part ces détails, la promenade est agréable ! La vue sur le sommet que nous allons gravir est impressionnante, et je m’amuse à regarder vers l’est, car je sais que Manon est là quelque part, de l’autre côté de la crête, en plein trek avec Juliette. J’espère que tout va bien pour elle ! L’Amazonie se dessine également, on peut voir une frontière nette entre notre ciel bleu azur et la vaste couche nuageuse.

La vallée qui descend vers l’Amazonie
Route taillée dans la pente

Après déjeuner, je fais mon sac pour les deux jours qui arrivent, mais il me manque un peu d’espace donc mes bottes dépassent, et le piolet reste à l’extérieur. On entame la montée en file indienne, mais les rythmes sont très différents. Les guides ont l’obligation d’attendre tout le monde, et ne nous laisse pas partir seuls. Certes nous sommes haut en altitude, mais le chemin n’a rien de difficile. Alors je retrouve Eloy, et je lui demande si nous pouvons partir devant tous les deux. Il accepte, et après le passage de l’entrée de la réserve du Huayna Potosi (paiement d’une cotisation pour la communauté indigène), nous partons tous les deux.

Départ pour le refuge à 5200m
Le refuge juste en-dessous du nôtre (j’ai oublié de le prendre en photo!)

Le rythme est beaucoup plus rapide, et nous arrivons assez vite à 5200m, à la limite des neiges éternelles. Nous passerons une très courte nuit ici avant l’ascension finale. Une petite heure plus tard arrive le groupe, et l’après-midi est calme ; nous profitons du soleil en buvant des litres d’infusion de coca, la fameuse feuille qui permet d’éviter les problèmes d’altitudes. En 3 jours, j’ai dû en boire presque 6 litres ! A la fin je commençais à saturer 😂

Jeux de cartes et tisane de coca (encore!)

Le coucher de soleil est magnifique, les lueurs pâles des nuages et les reflets rosés du glacier sont magiques. Dans la vallée en contrebas, monte une mer de nuage en provenance de la jungle. Elle grignote petit à petit du terrain jusqu’à s’installer dans les moindres petits recoins. D’en haut, je profite pleinement du spectacle, et tente d’oublier ce qui m’attend demain… Car le stress est bien là. Certains en parlent entre eux, d’autres (comme moi) le gardent pour soi.

La mer de nuages qui envahit petit à petit la vallée

On échange vaguement sur la route que l’on va prendre et on se redonne quelques conseils, avant qu’on nous appelle. Réunion générale ! Les guides ont formé les cordées en s’appuyant sur ce qu’ils ont pu observer aujourd’hui pendant la montée, par niveau et par affinités. Pour ma part, Eloy me confirme que je serai seul avec lui. Extinction des feux à 18h, car les départs se feront à partir de 00h pour certains, 1h pour d’autres, et à 2h pour moi. 

Repas de groupe 🙂

Nuit écourtée, randonneurs fatigués

Le vent souffle fort sur les murs fins du refuge. J’ai l’impression qu’il peut s’envoler d’une seconde à l’autre ! Toute les 20 min, j’entends les gens ouvrir leur duvet et sortir dans le froid pour faire pipi. Je n’y manque pas non plus, le maté de coca et l’altitude ne font pas bon ménage ! Un mal de ventre s’installe, un léger mal de tête aussi, plus le stress qui s’accumule font que je ne dors pas une seconde. J’entends les premiers qui se lèvent, puis je me lève avec les seconds. Personne n’a réussi à dormir !! 

Je fais mon sac, prends un Doliprane et un Spasfon, et bois un dernier maté de coca (je n’en peux plus 😅) ! Je ne mange presque rien car apparemment ce n’est pas bon pour l’altitude. Eloy jette un dernier coup d’œil à mon sac et mes affaires, et c’est parti !

J3 – Ascension finale

Départ à la frontale dans les rochers, et au bout de 10 min seulement on rejoint le glacier. On met les crampons, on s’encorde et ça commence par grimper sec ! Le ciel étoilé est magnifique, et je peux voir plus haut les lampes-torches de mes compagnons qui sont partis un peu plus tôt. L’ambiance est glaciale mais comme nous avançons assez vite, et que j’ai mis un paquet de couches, je ne sens pas trop le froid !

Après une petite heure de marche, on rattrape Alexandra et Laura. Elles font une pause mais Laura n’en peut plus, elle a des nausées et des vertiges. Hors Alexandra se sent bien, je lui propose donc de rejoindre notre cordée, tandis que Laura redescend avec son guide. On continue ainsi à 3, on ralentit un peu le rythme mais c’est pas plus mal, l’altitude se fait bien sentir ! Mon mal de tête n’est pas parti, et vers 3h je reprends un médoc. Sur notre gauche s’étale la ville de La Paz, les lumières sont magnifiques. On passe un premier mur de 45-60 degrés qu’il faut monter en plantant bien les pointes des crampons, un coup de piolet, et le corps collé à la paroi. Heureusement qu’il fait nuit, car les crevasses nous restent invisibles et le vide aussi 😊

Lees lumières d’El Alto et de La Paz
Premier mur à passer, Alex devant et moi derrière

L’ascension se prolonge, on double 3 autres cordées, mais j’ai les yeux qui commencent à se fermer tous seuls, c’est dangereux alors je lutte pour rester éveillé. Finalement tout fini par passer et nous arrivons à 5900m à un embranchement, et il faut faire un choix. La route normale, ou l’arête nord.

Arête nord, bonne ou mauvaise idée ?

Eloy m’a déjà parlé de cette seconde option, m’a dit que puisque tout allait bien jusque là, nous pourrions passer par là. Il m’a montré des vidéos et photos, c’est raide et impressionnant, mais cela ne reste que sur 15-20m, m’assure-t-il. Alors je dis oui, Alexandra est partante également, on quitte donc le chemin normal et on bifurque à droite. Le sol n’est plus tassé comme avant, mais forme de petites cathédrales de glace, sculptées par le vent. Le terrain immaculé craque sous nos pieds ; nous serons les seuls à passer par là aujourd’hui. 

La cordée au complet, Eloy devant
Repos nécessaire !
Le jour qui se lève petit à petit. Nous sommes seuls sur cet itinéraire…

Le jour commence à se lever doucement, les lumières de la ville s’estompent et à l’est, l’horizon passe du rouge cramoisi au rose, à l’orange puis au jaune en quelques dizaines de minutes seulement. Nous continuons la montée jusqu’à l’arête, et là, surprise… Il n’y a pas 15-20m, mais plutôt 100/150m à grimper jusqu’au sommet ! Le tout sur une crête effilée comme un rasoir, avec une pente à 40-50 degrés d’un côté, plutôt 60-70 de l’autre. A gauche, des rochers sur lesquels on ne peut pas marcher avec les crampons, et à droite le glacier, qui débouche sur un abysse d’environ 2000m ! Mon cœur se décroche, mon vertige se déclenche. Impossible de regarder en bas, j’ai l’impression que la glace va se détacher d’un seul bloc ; et si ça arrive, peu importe la cordée, on tombe tous les trois ! 

Sur l’arête, cette fois encore du bon côté. 20 cm plus loin, c’est le vide absolu…
Les derniers mètres avant le sommet. Le chemin quitte la pente de gauche pour passer à droite… J’avance sans regarder en bas !

Arrivée spectaculaire

Mais notre guide ouvre la route avec une énergie impressionnante, Alex reprend son souffle mais ne semble pas avoir peur du vide, alors je me reprends et je continue d’avancer. Tchac tchac, les crampons sont plantés. Tchoc, le piolet amariné, alors on monte encore un peu. Je vois les têtes des copains qui sont passés par l’autre route qui arrivent petit à petit au sommet, en poussant de grands cris de victoire ! Et finalement c’est notre tour, vers 7h20 nous arrivons au sommet ! HOURRA !! 

Nous sommes presque les derniers, mais c’est parfait car nous ne sommes pas poussés vers la sortie ! Le promontoire final n’est pas large, deux côtés sur quatre sont vertigineux et j’ai du mal à profiter du paysage, qui pourtant est magnifique. On peut admirer l’immense lac Titicaca, sur lequel l’ombre pyramidale de notre montagne se projette. De l’autre côté, la couverture nuageuse qui survole l’Amazonie, et entre les deux, la cordillère royale, une longue chaîne de montagne aux sommets enneigés, magnifiques. Là-bas seulement il y en a quelques uns qui nous dépassent, de très peu ! Et enfin au sud, la ville de La Paz, tentaculaire, et encore bien plus loin au sud-ouest, on aperçoit le plus haut sommet de Bolivie, le Sajama, à 6542m d’altitude.

Vue sur l’Amazonie, sous les nuages
Le chemin « normal », qui arrivait de ce côté-là, et que nous prenons pour redescendre

Mais le soleil chauffe déjà fort, réfléchis par la glace. On range les téléphones, on enlève une couche et c’est parti pour la descente, un peu longue. Les jambes sont lourdes, on s’enfonce dans la neige fondue. Certains passages de crevasses sont impressionnants, heureusement que l’aller se fait de nuit ! 😅

Les crevasses, invisibles à la montée
On passe au-dessus de tout ça, sans les voir…

Retour et célébrations

Après quelques heures de descente, un long débriefing et une soupe plus tard, je suis de retour à La Paz vers 15h, et je retrouve Manon à l’hostel. Son trek s’est super bien passé, et on va parler de tout ça autour d’une excellente pizza, car une tradition, ça ne se perd pas !

YIPAAAAA

Enfin, pour conclure cette belle aventure, nous retrouvons l’ensemble du groupe de français autour d’une bonne fondue dans un resto suisse. Ambiance chic mais le fromage est excellent ! Nous partageons nos souvenirs et chacun raconte sa perception de l’ascension. Sur les 10 du groupe, seuls 2 n’ont pas pu aller au sommet, ce qui reste un excellent pourcentage de réussite ! Pour ma part, si je devais le refaire, je tenterais l’ascension par la voie « classique », car en passant par l’arête nord, je n’ai pas eut ce sentiment d’accomplissement et de bonheur que j’avais pu avoir à 5200m au Pérou, et cela m’a un peu gâché la fin et le plaisir de l’arrivée.

La soirée se poursuit dans un bar puis dans une petite discothèque où il n’y a personne d’autres que nous. On prend le contrôle de la musique et du bar, et cette incroyable soirée se finit sur les coups de 8h ! Encore 2-3 jours de repos avant de reprendre la route vers une nouvelle destination, où nous allons enfin quitter ce froid qui nous suit depuis presque 3 mois…  A très vite 😉

Theo

Toutes les photos ont été prises avec mon téléphone, je n’ai pas voulu emmener mon appareil photo pour l’expédition…

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