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Trek du cerro Huemul en autonomie – Argentine

Infos pratiques
  • Départ et arrivée : village El Chaltén
  • Distance totale : 70 km 
  • Dénivelé positif : 2585 m
  • Dénivelé négatif : 2585 m
  • Point le plus haut : 1410 m d’altitude 
  • Difficultés : 
    • 2 passages de tyrolienne (location de matériel au village – un baudrier, une corde de 30m, un mousqueton en acier et un en aluminium)
    • Marche sur glacier, crampons non nécessaire
    • ⚠️ météo : difficulté supplémentaire en cas de vent fort lors des passages des cols 

Penser à s’enregistrer au bureau des rangers avant le départ (obligatoire) 

Jour 1
16,6 km
740 m D+
470 m D-
Nuit au camping « Toro »
Jour 3
15,1 km
370 m D+
1040 m D-
Col : Paso Huemul (⚠️ en cas de vent) 
Plusieurs campements possible, « bahía de los témpanos » pour dormir devant les icebergs !
Jour 2
11,5 km
760 m D+
500 m D-
Chemin difficile à suivre en longeant le glacier, possibilité de marcher dessus 
Col : Paseo del Viento ( ⚠️ en cas de vent) 
Nuit « refuge Paso del viento
Jour 4
23,7 km
710 m D+
575 m D-
Long retour, attention si vous louez du matériel pour la tyrolienne, il faut parfois rendre avant 12 ou 14h.

Voici le tracé GPX du trek, disponible en PJ sur ce lien google drive. Soyez vigilant pour le jour 2 lors de la traversée du glacier, le chemin n’est pas précis. Par ici le GPX


Récit

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Mardi 20 décembre 2022…

La veille du solstice d’été en Patagonie, la brise fraîche souffle des nuages argentés, qui filent entre les falaises du Fitz Roy. Le village d’El Chalten fourmille de randonneurs venus profiter de la belle saison pour parcourir les superbes sentiers. 

Les rangers du parc national nous reçoivent avec un grand sourire. Les sourcils se haussent cependant lorsqu’on explique le trek que l’on veut faire : la vuelta du cerro Huemul (le tour de la montagne Huemul). C’est compliqué cette semaine, beaucoup de vent est annoncé, nous préviennent-ils ! Et il y a le passage du « paso del viento » (le col du vent) dont le nom n’est pas anodin… Malheureusement bloqués par la date de Noël qui approche à grand pas, pour laquelle nous souhaitons être rentrés, nous devons absolument partir le lendemain. Tant pis, nous passerons par le col la veille de la pire journée annoncée. Le ranger nous renseigne sur tout ce qu’il nous faut savoir : la météo, le parcours, les animaux, et les lieux de bivouacs. Nous signons la décharge de responsabilité et le registre des marcheurs, puis nous rentrons au village faire les courses.

De retour à l’hostel, Manon remet la main à la pâte après notre dernier volontariat et nous prépare 2 superbes pains ! De quoi préparer de bons sandwichs pour ce trek de 4 jours et 3 nuits. 

Le départ du trek

Jour J, départ du trek avec comme premier objectif, la laguna Tunel (ou Toro). Les kilomètres défilent sans trop de difficultés malgré le poids des sacs. Chargés de nos 10 repas, alourdis de quelques fruits frais et quelques extras pour l’apéro, nos épaules souffrent déjà. Mais le ciel est beau, et le paysage splendide. Le sentier serpente entre les arbrisseaux, monte progressivement et s’éloigne tout à fait de la civilisation. Même les vaches sont sauvages ici ! Nos yeux guettent les mouvements des feuilles pour tenter de surprendre un huemul, ce petit cerf de Patagonie en voie de disparition qui a donné son nom à la montagne qui nous domine sur la gauche. 

Bientôt, l’objectif du soir et notre challenge du lendemain est en vue. Le col del viento domine le fond de la vallée aux allures de plaine africaine et seule l’imagination s’égare au-delà. Des ouï-dire seulement, des visions fantaisistes de banquises infinies, que nous nous devons d’aller vérifier. Notre étape du soir atteinte, la tente montée, l’heure est au repos. Un brin de toilette dans la rivière en tenue d’Adam et Ève, et c’est le moment de trinquer à cette première journée. Quelques autres français nous rejoignent et nous nous suivrons et soutiendrons mutuellement au cours des jours qui suivent.

La vallée avec notre campement du soir près du lac, et la montée au col du lendemain...
La vallée avec notre campement du soir près du lac, et la montée au col du lendemain…

Surprise dans la tente !

3h du matin. Réveil en sursaut. Des bruits contre la paroi de la tente. Deux amis nous avaient prévenus : « Votre pire ennemi, pour ce trek, ce n’est pas le vent ou le froid, mais les souris affamées de Patagonie! ». Los ratones. Pour eux et leurs camarades de randonnée, ce fut un cauchemar. Tente ouverte, goulot de leur gourde filtrante dévorée, tous les paquets de nourriture ouverts… Sans compter les insomnies qui ont suivies.

Je fait trembler la tente et chasse les intrus, mais impossible de me rendormir. Une heure plus tard, rebelote. Cette fois j’allume ma lampe, et réveille Manon : « Elles sont là !! », et nos yeux tombent sur ces petites traîtresses qui sont chacune gentiment posées sur nos sacs. Je tente d’en aplatir une avec ma tong, mais elle se carapate, et je conjure Manon d’en faire autant ! « Mais elle est trop mignonne, je ne peux pas…! » Effectivement, elles sont là à nous faire les yeux doux, quémandants simplement un morceau de fromage. Bref, la nuit fut courte mais elles ne revinrent jamais.

2ème jour de trek

Aux aurores, le froid est vif et l’horizon voilé. Nous quittons le campement avant le groupe de français, et une heure plus tard le premier obstacle apparaît. Une tyrolienne qui traverse un canyon au-dessus d’un torrent en colère. La pluie s’est mise à tombée et les mains sont gelées. 

Nous avons loué au village un baudrier, une corde de 30m, un mousqueton en acier pour la ligne de vie et un en aluminium directement accroché à la poulie. Manon passe la première, en se tirant au câble – la tyrolienne est montante, pas descendante ! Elle me renvoie l’ensemble, auquel j’accroche mon sac que je lui fais passer. Enfin, j’accroche son sac à dos et je passe à mon tour. Les français nous ont rejoint et m’aident à vérifier que tout est bien attaché. C’est un peu stressant mais c’est surtout le froid qui nous fait trembler…

Montée épuisante… Moralement et physiquement

Le chemin monte ensuite le long d’un glacier dont la blancheur est ternie par la poussière et les éboulements de pierre. Nous sommes censés marcher sur la glace sur 1 km, mais impossible de trouver le point de départ ! Nous restons dans la pierraille et tentons tant bien que mal d’y déceler un chemin. La pluie, la neige et le vent mettent notre moral à rude épreuve. Sans cesse nous gravissons des petites collines dans l’espoir de redécouvrir le chemin, mais nos espoirs dégringolent comme les pierres sous nos pieds. Au bout d’immenses efforts, nous retrouvons la route du col et notre trace GPS (que nous avions perdu après la tyrolienne), et nous parvenons en haut à 13h, après un pique-nique expédié en pleine montée. 

La vue en haut est magnifique et lunaire. Arctique plutôt. Du blanc à perte de vue. Une infime partie du champ de glace patagonique sud s’offre à nous, et pourtant elle nous semble immense. Des coulées qui viennent du nord-ouest se meuvent comme des serpents en direction de la plaine, au sud-est. Des forces titanesques les mettent en branle et écrasent, broient et déchirent ces géants de glace dans d’épouvantables grondements.

Le terrible « paso del viento » !

Mais pour l’heure, ça caille, et il s’agit de ne pas s’attarder là ! Le vent autour des 100-130 km/h est insupportable et nous empêche d’avancer. Il faut se pencher en avant et réduire ainsi notre prise au vent. La housse du sac de Manon s’envole et je ne sais par quel miracle je réussis à courir après ce bout de tissu et à l’attraper au vol en m’étalant tête la première dans un névé. Au passage du col, là où le vent prend de la vitesse, Manon se retrouve immobilisée, comme si un mur invisible l’empêchait d’avancer. Elle se hisse grâce aux rochers qui l’entourent pour passer de l’autre côté du col… C’est un combat à chaque pas !

La fraternité montagnarde rend le bivouac du soir un peu plus chaleureux. Nous partageons le repas avec le groupe de français, et chacun y va de son commentaire sur la terrible journée passée. Le plus dur est fait ! N’est-ce pas ?

Jour 3

Pas de souris cette nuit, malgré des petites crottes aperçues autour de la tente. Nuit compliquée avec le vent qui a cinglé la toile, et quelques voisins bruyants qui ont débarqué au milieu de la nuit – ils sortaient d’où, eux ??! Ils ont passé le col de nuit ?

Le piètre refuge qui nous sert de pare vent pour le petit-déjeuner n’est en réalité qu’un abri de fortune en cas de tempête. Quelques vis rouillées permettent de tenir quatre tôles droites, elles-mêmes arrimées au sol par des câbles vieillissants. Le jour se lève doucement, tandis que nos doigts gelés s’activent pour allumer le réchaud et préparer le thé bouillant salvateur.

La matinée est belle et nos couches thermiques tombent les unes après les autres. Le chemin ondule le long du glacier, dont le point de fuite nous guidera jusqu’au lendemain. Mais d’abord un nouvel obstacle. Le col Huemul, qui aurait aussi pu s’appeler « le col del viento, le retour ! ». La montée est infernale, nos cris s’échappent et toute communication entre nous est impossible. Les derniers mètres se font en courant, en ligne droite. Portés par un puissant vent de dos, il nous est très compliqué de suivre le chemin qui monte en Z jusqu’au col. 

Une descente aux enfers ?

De l’autre côté, c’est un nouveau délire. 600m de dénivelé à descendre pour 1,4 km de distance… J’ai fait le calcul et le chiffre donne froid dans le dos, mais le vivre est tout aussi effrayant. Accrochés aux troncs d’arbustes déracinés, nos pas dérapent dans la poussière et les yeux pleurent de concentration – ou de fatigue ? La vue est hallucinante. Un lac immense, d’un azur turquoise, laiteux comme le thé d’un anglais, s’étale à nos pieds et court jusqu’à l’horizon. Qu’il serait plus simple de simplement plonger d’ici, en visant adroitement entre ces petits glaçons que l’on voit et qui barbotent joyeusement ci-bas.

Quelques cordes plus loin, nous retrouvons notre horizontalité et ces glaçons se révèlent finalement être des icebergs géants. Le glacier qui vient mourir dans le lac libère quelques éclaireurs, dont la mission d’exploration se retrouve subitement avortée par les températures trop clémentes de cette Patagonie-là. Ce soir-là, pas de zone de bivouac officielle pour nous ! Un peu plus de liberté et de tranquillité pour notre dernier soir nous attire un peu plus que la présence de nos compatriotes, si gentils soient-ils.

La tente est montée derrière une petite forêt, au bord du lac, entre les bouses de vaches et les moustiques. Malgré tout c’est un bel endroit, les lapins lèvent des yeux étonnés devant ces étrangers chargés comme des mules et nous passons une douce nuit sans rêves, écrasés de sommeil. 

Jour 4 et encore un réveil mouvementé !

Mais au réveil… Alors que nous étions en train de terminer le rangement de notre tente, les beuglements d’un animal à proximité nous font lever les yeux. A 100m de nous, un taureau qui aurait remporté haut la main un concours de taille (pas de beauté) au salon de l’agriculture, nous regarde, en se demandant ce qu’il va faire de nous. Vite les affaires sont pliées en silence, la tente démontée, mais vient le moment de rouler la tente… et le tapis de sol est rouge ! Rouge sang, rouge comme ces drapeaux de corridas… Et les idées qui voltigent dans nos têtes s’emballent lorsqu’un deuxième taureau vient rejoindre son compère ! Finalement ils retournent à leurs affaires, nous catégorisent comme ces mouches insignifiantes qui leurs bourdonnent aux oreilles et partent en direction du troupeau de vaches aperçu la veille.

Les vaches de la veille (pas les taureaux, pas eu le temps de prendre de photo haha)

Notre dernière journée est longue et monotone. A travers la pampa, le sentier file vers le village, au milieu des hautes herbes et des fleurs qui s’épanouissent. Des mouches volent autour des cadavres de guanacos en décomposition, accrochés aux fils barbelés de ces clôtures impitoyables. 23 km pour cette dernière journée ! Et le Fitz Roy qui danse avec les nuages et nous continue de nous guider, de loin. Hypnotisant. 

Nous sommes le 24 décembre, veille de Noël, et une dernière tyrolienne nous sépare du village ! Cette fois-ci nous sommes rodés, l’installation est impeccable et notre traversée, rapide. Le retour à l’hostel est long, mais quelle aventure ce fut ! Sûrement notre trek le plus éprouvant à ce jour, moins solitaire que l’Ausangate mais le vent et le froid, le chemin qui se perd et ce précipice ont rendus la tâche difficile.

Un peu de repos? Que diable, non !

Pour l’heure, nous réveillonnons dans un restaurant pas trop cher mais sympathique, accompagnés d’une bouteille de vin argentin délicieuse. Ici, pas de dingue aux marrons, ni foie gras ou petits toasts. La tradition argentine pour Noël (et tous les évènements notables !) est bien sûr un asado !

Un peu des têtes fatiguées non ?

Je pourrais terminer l’histoire ici, mais c’était sans compter une dernière petite folie !

Réveil à 3h du matin. Les yeux embrumés et avec un mal de crâne vrombissant, nous prenons la route de la laguna Torre, à la frontale. 1L d’eau et quelques pas de courses plus tard, nous découvrons la Torre, ce pic acéré dont les parois verticales sont comparables à celles du Fitz Roy. Le soleil se lève doucement et sa chaude lumière vient allumer toutes ces chandelles de pierre qui s’étirent vers le ciel. 

Voilà notre aventure à El Chalten qui se termine, et après une bonne nuit de repos, une autre qui commence ! Vamos a la Tierra de Fuego 🔥

Théo

Un commentaire

  • Nicole Desavis

    Félicitations à vous deux.
    Quel magnifique reportage rempli de force et de détermination..
    Bonne continuation.
    Prenez soins de vous.
    Bien sincèrement.
    Nicole

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